A la recherche d’Isabelle

Je m’appelle Charles, je suis Alsacien-Lorrain, et je fus un combattant de la Grande Guerre 14-18. J’ai voulu vous transmettre ma version de cette période telle que je l’ai vécu. Tout particulièrement en pensant à tous ces militaires incorporés par le destin dans les rangs germaniques, disons « malgré eux ». Au fil des pages je retrace cette période où chacun dut « vivre sa destinée ».

Pendant l’été 2019, j’ai vu sur Facebook une personne qui cherchait une « Isabelle » dont son grand père Charles avait connu pendant la Grande Guerre 1914-1918 à Laon.

Après différentes recherches aux archives départementales, j’ai fini par la trouver. Satisfaire une demande comme celle-là m’a particulièrement plu car la personne portait le même prénom !

En quête d’Isabelle de l‘Aisne

1er au 15 aout 2019 : 

Retrouver Isabelle impliquait maintenant des recherches généalogiques. Nous commençâmes par nous abonner à des sites spécialisés en généalogie pour essayer de contacter des personnes ayant des aïeuls de la région de Laon et comme prénom Isabelle. Nous sollicitâmes aussi le site internet « Généalogie de l’Aisne » qui accepta de lancer une enquête que nous intitulâmes « En quête d’Isabelle de l’Aisne » pour trouver des passionnés qui pourraient nous aider dans nos recherches.

Très rapidement une petite dizaine de personnes nous apporta diverses informations et une d’entre elles se distingua particulièrement. Le hasard voulut qu’elle s’appelle également Isabelle. Nous échangeâmes via Messenger pendant nos vacances, et elle allait méthodiquement retrouver de multiples autres documents d’archives :

Nadine : Nous avons retrouvé dans un arbre généalogique une Isabelle qui pourrait correspondre, je vous envoie tous les éléments.

Isabelle : Je regarde et reviens vers vous.

Isabelle : L’Isabelle figurant dans l’arbre généalogique et celle du registre des cartes d’identité sont bien une seule et même personne. J’ai retrouvé son acte de mariage, elle s’est bien mariée en avril 1914 et son mari était originaire du Nord de la France.

Nadine : Cela correspond bien à l’Isabelle de Charles, et aussi à son voyage de noces dans le nord de la France.

Isabelle : Et ce n’est pas fini, car le carnet militaire de son mari mentionne bien qu’il est rappelé à rejoindre son régiment de Saint-Omer, dans le Nord de la France, qu’il intègrera le 4 aout 1914.

Nadine: Et donc Isabelle devra bien alors rentrer seule, sur Laon, et pour cela elle doit bien repasser dans la région de Lille qui est sur la route entre Saint-Omer et Laon.

Isabelle : Ce n’est pas fini car dans son carnet militaire, il est bien porté disparu en mai 1915, et il sera considéré mort au combat en 1916.

Nadine: C’est bien notre Isabelle ! Cela fait tellement de similitudes. Et concernant Roland, l’enfant qui accompagne Isabelle, né dans le début de la guerre ?

Isabelle : Alors là aussi j’ai retrouvé une naissance le 22 aout 1914 dans un petit village à côté de Laon. Cependant c’est sa sœur Célina qui accouche. Mais Célina a déjà un enfant de 7 ans, et cela m’a donnée une idée … car dans le livre Isabelle est parfois « responsable » de l’enfant et parfois sa mère…

Nadine : Je comprends à quoi vous pensez, et en fait nous avions aussi un doute car le petit Roland qui accompagne Isabelle s’exprimait beaucoup trop bien pour un enfant qui aurait eu 3 ans en 1918.

Isabelle : Donc Célina accouche bien le 22 aout 1914, et elle confie son plus grand à sa sœur Isabelle.

Nadine : C’est tout à fait possible. Les 2 sœurs n’avaient bien sûr pas prévu que la guerre allait durer et les séparer les 4 années suivantes. Il nous reste peut-être un indice à trouver car Roland dit, à un moment « j’ai un casque et un sabre, comme mon papa ! ». Il faudrait connaitre sa profession.

Isabelle : Ah, mais j’ai tout retrouvé, j’ai ça aussi. Il était cocher dans le civil, et dans l’armée, cavalier dans le 31ème régiment de Dragons.

Nadine : Ça correspond ! Les cavaliers sont les seuls soldats à se battre encore au sabre en 1914, et ils portent aussi un casque.

Isabelle : En revanche le prénom Roland ne correspond pas à celui du premier enfant de Célina. Mais Charles n’a peut-être pas voulu mettre le vrai prénom ou tout simplement il ne s’en rappelait plus.

Nadine : Merci Isabelle, maintenant je suis sûre de moi, et je vais contacter la personne qui a constitué l’arbre généalogique en espérant qu’elle réponde.

 

À la croisée des chemins – Près de Compiègne

25 août 2019

« Ce livre ne se termine pas car il ne peut se finir ».

Il était 20h00 le 15 août quand mon téléphone afficha un appel d’un numéro inconnu :

— Bonsoir, je m’appelle Gilbert et je vous contacte concernant le message que vous m’avez envoyé sur vos recherches sur une certaine Isabelle à Laon.

— Oui bonsoir, je vous ai bien envoyé un message sur le site de Généalogie, car j’ai identifié que vous aviez une tante qui s’appelait Isabelle et qui aurait pu correspondre.

— En effet l’une des sœurs de mon père, s’appelait bien Isabelle, mais elle ne s’est mariée qu’en 1922, donc cela ne peut pas être-elle.

— Oui elle s’est bien mariée en 1922, mais nous avons retrouvé un document qui fait référence à un premier mariage en 1914.

Pendant que nous parlions, j’envoyais par email l’acte de mariage à Gilbert.

— Effectivement c’est bien l’acte de mariage de ma tante, c’est incroyable que vous ayez réussi à

retrouver cela. J’effectue des recherches depuis des années et je n’ai jamais trouvé ce document.

— Je peux vous envoyer le livre de mon grand-père et vous pourrez peut-être trouver d’autres éléments qui vous évoqueront votre tante.

— Merci c’est gentil à vous. D’autant que ce sujet m’intéresse car j’ai aussi habité à Metz. Mes deux fils sont nés à la maternité de Longeville-les-Metz à 100 mètres de la boulangerie de votre grand-père.

— Moi aussi je suis née dans cette maternité. Que la vie est étrange car vous avez peut-être croisé mon grand-père sans le savoir.

Alors qu’au départ Gilbert paraissait sceptique, ce moment de complicité l’avait conduit à s’ouvrir davantage à moi.

— Dans l’histoire de ma famille j’ai toujours pensé qu’il y avait des non-dits, des choses que l’on n’expliquait pas aux enfants à l’époque. Mais si j’ai voulu vous appeler c’est surtout car vous avez indiqué dans votre message qu’Isabelle avait vécu à Versailles avec sa maman.

— Oui c’est bien ce qui est mentionné.

— Et bien les parents de ma tante Isabelle et de mon père donc, habitaient bien à Versailles.

— Effectivement ça devient très concordant. Mais savez-vous s’ils avaient un jardin, car Isabelle évoque qu’elle y avait « des violettes entre les plates-bandes de buissons d’hortensias.

— Aucun doute là-dessus et pas un petit jardin, mon grand-père était jardinier au Château de Versailles !!!

Nous convînmes de nous rencontrer à notre retour de vacances.

*

Gilbert et son épouse Annelie, avaient eu la gentillesse de nous inviter à déjeuner ce dimanche, car nous souhaitions vraiment faire connaissance.

A notre arrivée un portail s’ouvrit sur un merveilleux jardin à l’arrière d’une maison. Lorsque je vis le grand sourire de Gilbert qui nous attendait avec son épouse, je ressentis immédiatement une grande bienveillance qui m’a tellement émue.

Le déjeuner fut l’occasion de faire plus ample connaissance, pour le café nous regardâmes des photos de famille et il m’en tendit une de sa tante Isabelle.

— Quand j’ai lu le livre de Charles, j’ai vraiment retrouvé dans les traits d’Isabelle ceux de ma tante. En particulier elle avait beaucoup de caractère et cela ne me surprend pas qu’elle ait giflé un jeune soldat allemand, votre grand-père.

— Mon grand-père l’avait décrite comme une « vraie jeune fille du Rhin », et la photo que vous me montrez correspond bien à cette description. Nous pensons que l’enfant qui accompagne Isabelle est en fait le fils de sa sœur Célina.

— Ce que je sais c’est que l’autre sœur de mon père, Célina a eu quatre enfants décédés en bas âge, et un cinquième décédé à 22 ans en 1929. Comme je suis né en 1928 c’est le seul dont j’ai le souvenir.

— C’est bien cet enfant qui était avec Isabelle. Quant à celui né le 22 août 1914, il est effectivement décédé le 5 mars 1920, à 8 ans, probablement de la grippe espagnole.

— Gilbert, cela me rappelle que ta tante Célina ne pouvait plus franchir les portes d’une église, et cela n’a pas dû être facile non plus pour Isabelle qui avait pris en charge son neveu pendant 4 ans.

— Oui, Annelie, c’est probablement la raison pour laquelle Isabelle n’a jamais voulu d’enfant.

— En tout cas votre grand-père et Isabelle avaient l’air de beaucoup s’aimer, mais la guerre les aura séparé.

— Oui sans aucun doute Annelie, il faut bien se remettre dans le contexte. S’il y a eu pendant l’occupation à Laon des Allemands et des Françaises qui ont par la force des choses plus que sympathisé, et bien après la guerre il n’y a eu aucune union entre un Allemand, fût-il Alsacien-Lorrain, et une Française. Dans des livres spécialisés sur cette période ils ne relatent qu’un seul exemple sur Laon, d’une Française qui a épousé un Allemand.

— Et votre grand-père qu’a-t-il fait après la guerre ?

— Mon grand-père a par la suite ouvert une boulangerie à Metz, et quelques années plus tard, il a rencontré ma grand-mère Germaine, avec qui il s’est marié le 14 novembre 1931. Ils ont eu trois enfants : Marcel, Roland et Colette ma maman. Pour autant Charles et Isabelle semblent être restés en contact et échangés par correspondance tout au long de leur vie.

— C’est très possible car la tante Isabelle n’est décédée qu’en 1979.

— Le souvenir de ses camarades et de tous les combattants resta présent dans sa mémoire, il n’oublia jamais la petite ville de Laon où s’était joué son destin.

Annelie revint vers nous avec des cafés et nous dit :

— Ce qui est beau dans ce livre, c’est que Charles nous aura aussi transmis la réalité de la vie quotidienne durant cette période. Isabelle représente toutes les femmes qui ont vu leur mari partir au combat et souvent ne jamais revenir, toutes ces mères qui ont compté chaque jour de cette guerre dans l’espoir de voir rentrer leur fils.

Nous garderons un merveilleux souvenir de cette rencontre, et des nouveaux liens d’amitiés encore noués grâce à « Entre les lignes ».

Notre quête d’Isabelle s’acheva ainsi dans ce beau jardin de l’Oise, région où les allemands furent repoussés en septembre 1914, par les troupes Françaises.

L’histoire de Charles et Isabelle gardera à jamais ses secrets, « ce livre ne se termine pas car il ne peut se finir ».

Résumé :

Charles, Alsacien Lorrain et combattant de la Grande Guerre, partage son vécu et celui des soldats alsaciens lorrains enrôlés dans l’armée allemande. En 2019, une recherche généalogique débute sur Facebook pour retrouver « Isabelle », une femme liée à son histoire familiale.

Après de nombreuses recherches aux archives et sur des sites spécialisés, Isabelle est identifiée grâce à des documents prouvant son mariage en 1914 et les circonstances de son retour à Laon. La découverte de son neveu Roland, confié par sa sœur Célina, éclaire des pans de son histoire, notamment la tragédie de la guerre et ses conséquences familiales.

Un échange avec Gilbert, descendant de la famille, confirme plusieurs éléments sur Isabelle et son lien avec Charles. Leur correspondance semble avoir perduré malgré les années. Le récit met en lumière les épreuves des femmes de la guerre, séparées de leurs proches et marquées par le deuil et l’espoir.

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